Tous les liens hypertextes sont-ils légaux ?
La Cour de Justice de l’Union Européenne a rendu le 8 septembre dernier un arrêt GS Media fondamental quant à la légalité des liens hypertextes, en particulier en matière de propriété intellectuelle.
La solution choisie par la CJUE met en place des présomptions particulièrement contraignantes pour les éditeurs de sites internet, ce qui va les obliger à s’assurer que les liens hypertextes utilisés sur leur site dirigent vers des contenus publiés de manière légale.
Les entreprises du digital mettent souvent en place une stratégie de linking afin de réduire leurs coûts de productions de contenu, en particulier au début de leur activité. Cela permet en effet de maintenir un rythme de publication important et donc une présence vis-à-vis du public.
La multiplication des liens vers des publications tierces peut donc aisément engager votre responsabilité en raison de la présomption. Il est en conséquence particulièrement important de vous assurer que vos liens dirigent vers des sites qui respectent bien les droits d’auteur en amont, et non a posteriori.
Cet article a pour objet de présenter une synthèse rapide du nouveau régime applicable aux liens hypertextes.
La publication de liens légaux
1. L’arrêt GS Media se fonde sur le critère de l’objectif poursuivi par la personne ayant publié le lien.
Il semble que l’objectif soit de faire la distinction entre la publication d’un lien à titre lucratif ou non.
Ne sont pas considérés comme illégaux :
- Les liens publiés « sans but lucratif » ;
- Les liens publiés par une « personne [qui] ne sait pas, et ne peut pas raisonnablement savoir, que cette œuvre avait été publiée sur Internet sans l’autorisation du titulaire des droits d’auteur ».
En conséquence, si une personne publie un lien qui dirige vers un contenu portant atteinte aux droits d’auteur d’un tiers, sans but lucratif, cela ne saurait lui être reproché, sauf à prouver qu’elle était consciente que celui-ci était illégal. Cette preuve pourra être établie par exemple si le titulaire des droits l’en a informé (« Lorsqu’il est établi qu’une telle personne savait ou devait savoir que le lien hypertexte qu’elle a placé donne accès à une œuvre illégalement publiée »).
2. Toutefois, si le contenu a déjà été publié par l’ayant droit, ou si celui-ci en a autorisé sa publication, il est présumé autoriser sa « communication au public » par le biais de liens, pour autant que le public ne soit pas plus large que le public initial.
Le public n’est pas considéré comme plus large dès lors que la publication initiale a été effectuée sur un site ouvert au public.
La publication de liens illégaux
1. Une présomption d’illégalité est créée pour toutes les publications de liens effectuées à titre lucratif. En conséquence, tout lien dirigeant vers un contenu pouvant porter à la propriété intellectuelle et publié à titre lucratif sera illégal.
Il est alors à charge pour la personne ayant publié le lien de prouver que le contenu de la page visée ne porte pas atteinte au droit d’auteur.
Cette preuve est particulièrement difficile à rapporter en pratique et oblige chaque éditeur de site internet à s’assurer que l’intégralité des liens qui figurent sur son propre site est conforme au droit d’auteur. Cette tâche peut rapidement être d’une complexité inouïe pour les sites comportant des milliers de liens.
2. En outre, si le lien vise un contenu qui est publié à destination d’un public qui n’aurait pas dû avoir accès au contenu (par exemple un lien vers un contenu republié sur une plateforme ouverte à tous mais issu d’une plateforme dont l’accès est limité), le lien sera également considéré comme portant atteinte au droit d’auteur.
3. Il en va de même si le lien est diffusé par une personne agissant à titre non lucratif mais en étant consciente de l’illégalité du contenu figure sur la page liée.
4. La majorité des liens dirigeant vers des pages portant atteinte au droit d’auteur sera ainsi considérée comme illégale et pourra engager la responsabilité de la personne publiant le lien. Il sera intéressant de voir comment ce régime va s’articuler avec le régime de l’hébergeur et de l’éditeur.
N’hésitez pas à nous contacter si vous avez besoin de clarification sur la manière dont ce nouveau régime s’appliquera à votre site.